Le fils de l’ours
Le fils de l’ours
Quel texte vais-je choisir pour mon module sur l’essai littéraire? Voici la question que je me pose chaque année avant d’aborder ce module! Chaque fois, le choix est difficile et… ne me satisfait jamais. Tel texte est trop long et les enfants ont des difficultés à se l’approprier. Tel autre est trop simple et n’est pas propice au développement d’idées complexes. Celui-ci est trop ardu pour mes élèves qui n’ont pas tous le français comme langue première… Mais depuis que j’ai découvert Le fils de l’ours, d’Isabelle Wlodarczyk et Minji Lee-Diebold, je ne me pose plus de question. Ce texte est parfait!
Les thèmes abordés y sont incroyablement profonds. À travers l’histoire d’un petit garçon orphelin, nommé Azar, Isabelle Wlodarczyk nous livre une magnifique histoire sur la solitude, l’exclusion, l’amitié et la famille. Le texte est propice à diverses interprétations et réflexions sur ces thèmes, tout en étant accessible à tous les élèves, quel que soit leur niveau. Ainsi, mon élève Maya choisit comme thèse pour son essai : « Ce livre nous enseigne que l’on ne peut pas être heureux lorsqu’on est seul », alors que Félix va plus loin : « Il nous montre que l’amitié peut survivre à la mort et que nos amis peuvent tenir lieu de famille. »
Le texte est concis, ce qui est un avantage pour aborder l’exercice de l’essai littéraire : il faut des textes assez courts que les élèves peuvent explorer encore et encore à la recherche de détails justificatifs. C’est le cas du Fils de l’ours. Malgré cette sobriété, la langue utilisée est incroyablement riche. Le moindre mot est minutieusement choisi et permet aux enfants de suivre l’évolution des protagonistes, de leurs pensées et de leurs sentiments : « Nemo s’avéra docile et bienveillant. Même muselé, il souriait », écrit l’auteure lors de la première rencontre d’Azar et de son ours Nemo. Puis, leur relation évolue sensiblement, et on la découvre plus équilibrée qu’on ne le pensait : « Azar tenait Nemo par une cordelette, mais c’est Nemo qui guidait son maître. » L’auteure nous montre l’évolution de leur rapport avec des symboles, des contrastes et des actions révélatrices. L’ours et l’enfant deviennent de plus en plus complices : « Azar parlait à Nemo de ses rêves d’enfant et l’ours muet, dans son cœur, en faisait autant. » Nemo regarde Azar avec tendresse – « presque son enfant. » À la fin du récit, Azar et Nemo ne font plus qu’un, malgré la disparition de Nemo. L’auteur parvient à montrer la richesse de la relation entre les deux personnages en peu de mots, mais ces mots sont tellement riches de sens que le lecteur peut envisager toutes les facettes de cette incroyable amitié.
Sur chaque page, les illustrations de Minji Lee-Diebold enrichissent l’histoire. Elles viennent rehausser les subtilités et les contrastes du récit. La vie rêvée d’Azar et de Nemo y est opposée à leur vie réelle. La douceur et la relation étroite entre l’ours et le garçon contraste avec la dureté du monde extérieur et des autres personnages. Chaque détail des images concourt à mettre en valeur les thèmes du livre : le choix des couleurs et des postures; la répartition des personnages dans l’espace. Par exemple, au fur et à mesure que l’histoire se déroule, Azar et Nemo sont dessinés de plus en plus proches l’un de l’autre, jusqu’à ne faire plus qu’un dans l’illustration finale.
Enfin, si je conseille vivement d’étudier cette œuvre littéraire en classe, c’est avant tout parce que les enfants l’aiment beaucoup. Azar, ce petit garçon à la vie bien triste, séduit par son courage, son honnêteté et sa gentillesse. Les lecteurs sont captivés par la force tranquille de Nemo et par la sérénité dont il fait preuve. Les deux personnages forcent le respect grâce à la loyauté sans faille qu’ils montrent l’un envers l’autre. Les enfants adorent lire et relire cet album qui leur parle de thèmes qui les concernent : exclusion, solitude, amitié, amour… Ainsi, les élèves ne se lassent pas de parcourir ce livre magnifique, à la recherche d’indices et de détails qui leur permettent d’en saisir toute la magie!
Céline Beloeil a commencé à enseigner à Paris (France), déménage en 2008 à New York et contribue à l’ouverture du programme bilingue franco-américain de PS84, une école publique de Manhattan. Céline enseigne actuellement en 4ème année et se consacre à la formation des enseignants : coaching individuel et organisation de développements professionnels. Céline est convaincue que l’implémentation des ateliers de lecture et d’écriture dans un environnement bienveillant et rigoureux bénéficie à tous les enfants. Elle s’intéresse en particulier aux adaptations pour les élèves apprenants une langue seconde.
Partagez!